Un ouvrage parfait pour parler des qualités du cerveau « biologique » et des lacunes des cerveaux « en silicium ». L’auteur nous emmène dans les dernières recherches en neurosciences et des résultats étonnant de l’IA. D’ailleurs, l’auteur ne se cache pas pour nous expliquer et démontrer en quoi notre cerveau est bien plus puissant que les plus performantes IA. Quoiqu’il en soit, les IA ne sont pas vraiment intelligentes car même si elles ont des capacités supérieures à nous, elles n’ont pas de réflexion aussi pousser qu’un enfant de 2 ans.
Nous apprenons que le cerveau dès la naissance n’est pas une structure totalement innée car la plasticité rentre en ligne de compte. Toutefois il est composé de parties très spécialisées, fruit de millions d’années d’évolution. Des aires, visuelles, auditives, cortex et autres ont des fonctions précises et se mettent en marche dès les premiers instants de vie. D’ailleurs la production synaptique va se développer à un rythme effrayant. Au point où le cerveau va, durant plusieurs années, supprimer les synapses en trop (élagage synaptique). Mais d’où vient la curiosité ? Qu’est-ce qu’une bonne pédagogie ? L’auteur va essayer de nous apporter des éléments de réponse, alors c’est parti !
Des progrès fulgurants dans ces secteurs
Mais les progrès sont fulgurants et les deux domaines sont complémentaires et transverses. D’où vient la curiosité ? Un test sur des robots chien d’un double algorithme permet d’affiner la définition (p259).
Après une revue rapide de l’intelligence artificielle et des différentes intelligences comme le l’apprentissage supervisé ou non supervisé. L’auteur nous parle également de l’apprentissage en bootstrapping. C’est-à-dire qu’au début l’effort est minime mais on augmente la difficulté. L’IA joue contre elle-même en utilisant cette méthode. Elle va s’améliorer des deux côtés et ainsi le niveau augmente très rapidement.
Encore mieux le « adversarial learning » consiste à entraîner deux IA spécialistes dans chacun un domaine. L’une dans la détection de faux dans tableaux de Van Gogh tandis que l’autre dans la création de faux tableaux du même artiste. Le but de l’une est de devenir une star des tableaux et l’autre est de tromper l’IA jumelle en lui faisant croire à un vrai Van Gogh.
Notre cerveau dans toute sa supériorité
La force du cerveau face à l’IA
Venant maintenant à notre cerveau. Tout d’abord, nous n’avons pas un apprentissage précis et unique mais plusieurs. L’apprentissage du concret/abstrait, social, par essai etc.
La perception permet d’appréhender et d’interpréter notre environnement à travers nos sens. D’ailleurs, c’était l’argument numéro un prôné par Maria Montessori : le développement des sens et le développement intellectuel sont intimement liés. De plus, le sens stéréognostique est la capacité de trouver la forme en question par le toucher. Ainsi, notre cerveau est bien capable, à partir du concret, de faire une représentation précise mentalement (abstrait). Surtout, magique, il est capable de faire l’inverse. Nous pouvons partir d’une pensée, imaginé quelque chose, qui n’existe pas encore, et de le créer. Le processus de créativité n’est pas encore totalement identifié, mais il s’avère que la systémacité entre jeu.
La systémacité, cette capacité de généraliser à partir d’une règle symbolique plutôt qu’une ressemblance partielle échappe encore au modèle actuel. L’apprentissage que l’on nomme profond (deep learning), ne possède pas encore de profondeur de compréhension.
Pour résumer, nous comprenons tout sans apprendre, alors que les meilleures IA fonctionnent à l’inverse. Effectivement, elles apprennent sans aucune compréhension. Ces capacités que nous venons de voir est le fruit de million d’années d’évolution. Nous faisons, agissons et ensuite nous nous questionnons.
Prenons un exemple anthropologique, un Homme primitif voit un arbre rempli de fruits, il s’approche mais voit à 50 mètres de lui, un tigre. Il n’a que quelques instants pour agir. Il garde son calme marche à pas feutrés et monte dans l’arbre. D’ici il observe le tigre partir dans la direction opposée.
De cette expérience, il a « bien » agi car il a survécu. Le rôle du rêve est précisément de revoir la scène plusieurs fois de manière déstructurée. Voilà l’extrême utilité du rêve, celui de consolider le savoir et de revoir les différentes possibilités et ainsi comprendre la meilleure option. Nous reviendrons en détail à la fin du billet sur les notions de consolidation.
La vitesse d’apprentissage
A la lecture du livre, j’ai appris que la production synaptique n’est pas identique dans toutes les zones du cerveau. En effet, la vitesse de traitement de l’information n’est pas identique partout et prenait plus ou moins de temps à se développer. Nous avons vu que le cerveau est déjà précâblé lorsque nous naissons et certaines zones sont favorisées très rapidement par rapport à d’autres.
Le cortex visuel atteint son pic synaptique vers l’âge de 2 ans alors que la zone de l’audition va continuer de se développer pendant 2 ans supplémentaires. Enfin, le cortex préfrontal obtiendra son pic synaptique vers l’âge de 10 ans. La myélinasation des gaines synaptiques prendra environ le même temps en fonction des aires. Cette étape permet de faire circuler l’information plus rapidement. Concrêtement quelle différence ? Un enfant de deux ans met 4 fois moins de temps pour reconnaître un visage qu’un bébé de quelques jours.
Les 4 piliers de l’apprentissage
- L’attention qui amplifie l’information sur laquelle nous nous concentrons
- L’engagement actif, un algorithme qu’on appelle également « curiosité », et qui invite notre cerveau à évaluer sans relâche de nouvelles hypothèses
- Le retour sur erreur, qui compare nos prédictions avec la réalité et corrige nos modèles du monde
- La consolidation, qui automatise et fluidifie ce que nous avons appris notamment durant le sommeil
L’attention joue un rôle fondamental dans l’apprentissage. Michael Posner distingue 3 grands systèmes attentionnels (p213) :
- L’alerte, qui indique quand il faut faire attention et adapte le niveau de vigilance
- L’orientation de l’attention, qui signale à quoi il faut faire attention et amplifie tout objet d’intérêt
- Le contrôle exécutif qui décide comment traiter l’information : il choisit la chaîne de traitements appropriée à une tâche donnée et en contrôle l’exécution
J’ai l’impression d’avoir décortiqué ce qu’il se passe quand je joue à la console !
D’ailleurs l’auteur en parle 3 pages plus tard, son laboratoire travaille sur l’attention des jeunes par l’usage des jeux vidéo. Et comme il le dit si bien
Les jeux vidéo ont ce pouvoir immersif qui existe également quand on se plonge dans un livre, un film, ou une pièce de théâtre qui nous font perdre tout repère temporel.
Stanislas Dehaene
L’apprentissage le plus efficace, l’apprentissage social
Aucune autre espèce animale ne sait enseigner comme nous le faisons. La raison en est simple : nous sommes les seuls à posséder une « théorie » de l’esprit. J’en ai parlé dans cet article et ici. En d’autres termes, nous avons la capacité de deviner ce que pensent les autres. Donc de faire attention à leur attention, d’imaginer leurs pensées, y compris de ce que pensent les autres pensent, et ainsi de suite, dans une boucle infinie.
Dans l’espèce humaine, l’apprentissage est social ! Il dépend fortement de l’attention et de la compréhension des intentions des autres. Même un bébé de 19 mois comprend que, si on le regarde dans les yeux, c’est qu’on cherche à lui transmettre une information importante. Il apprend alors plus efficacement et parvient à généraliser avec d’autre personne, alors qu’il n’y parvient pas si on ne l’a pas regardé.
L’auteur nous explique également qu’un enfant qui écoute une personne parler dans une autre langue dans un haut-parleur n’a pas d’impact sur l’apprentissage d’une deuxième langue. Car le haut-parleur est dénué d’intention.
En effet, un professeur est obligé de savoir ce que l’élève ne sait pas pour changer les mots de son explication, adapter sa pédagogie à chaque instant. Ce qui nous amène aux différentes pédagogies qui prônent toutes leurs avantages par rapport au modèle public.
Doit-on laisser l’enfant découvrir par lui-même ?
Selon l’auteur, toutes les études convergent vers un consensus dans lequel, l’enfant a besoin d’être guidé pour apprendre. Toutes les pédagogies dites « de découvertes » auxquelles, les enfants sont « livrés à eux-mêmes » dans le but de les laisser découvrir selon leur envie et finissent par s’auto-éduquer sont fausses.
Ils apprennent mais pas efficacement ni profondément. Par exemple, il peu probable qu’un enfant puisse apprendre à lire tout seul en regardant les lettres de l’alphabet (c’est déjà arrivé certes, mais ce sont des exceptions qui confirment la règle).
Le prof, doit être présent pour continuer à attiser la curiosité et guider afin d’augmenter la difficulté en fonction de l’apprentissage de l’enfant. C’est ainsi, qu’un enfant pourra développer des connaissances plus poussées sans pression ni crainte. La curiosité est une source de plaisir innée.
En effet, la curiosité est liée au rire qui permet de comprendre où nous avons eu faux. Le rire est souvent signe qu’une théorie que nous avions imaginée se retrouve erronée. Par exemple un enfant voit une balle tomber et rebondir à un certain niveau. Nous changeons de balle et cette fois-ci la balle s’écrase et ne rebondit pas.
L’enfant va rire, car il avait fait la théorie qu’une balle lâchée à telle hauteur allait rebondir systématiquement à cette hauteur (généralisation). La dernière balle a donné un résultat « contre intuitif », le rire est déclenché car maintenant l’enfant veut comprendre pourquoi il y a une différence. Ce retour sur erreur lui donne envie (l’engagement actif) de savoir car son attention est précise, et comprendre permet de consolider son apprentissage. Nous retrouvons bien les 4 piliers de l’apprentissage.
Engagement, plaisir, autonomie, avec une pédagogie explicite appuyée sur un matériel stimulant : c’est la recette gagnante dont l’efficacité est démontrée.
Une autre idée reçue venant de Rousseau, selon laquelle, l’éducation doit créer la curiosité. Mais selon l’auteur s’est faux, la curiosité est un moteur inné qui est dans notre ADN, qui est la base du fonctionnement de notre cerveau (comme l’impossibilité de faire 2 choses en même temps). En effet, poser un bébé assis au milieu de la pièce avec un certain nombre de jouets devant lui, il va partir à l’exploration. Nous n’attendons jamais, de façon passive, que les informations nous parviennent, nous avons naturellement la passion de connaître.
D’où vient la curiosité ?
Une idée intéressante, la naissance de la curiosité serait née avec l’évolution de l’Homme. Dans un monde incertain, il est utile de savoir ce qu’il se passe dans un périmètre proche de notre « maison ». La curiosité est une force qui nous incite à explorer (page 253). Cela rassemble, le besoin de trouver un partenaire, des zones de nourriture abondante, de connaitre où se situe les animaux dangereux. Bref tu l’as compris, l’Homme a besoin de connaitre des informations et les transmets.
Dans le cerveau il se passe la même chose, nous recevons des shoot de dopamine lorsque nous apprenons des choses, c’est un cercle vertueux qui nous incite toujours à être curieux.
Ecole assassin de la curiosité
J’ai écrit plusieurs billets sur ce que je pense que l’école (partie 1 et 2 et ici). Voici les 3 hypothèses que Stanislas Dehaene met en avant :
- Le manque de stimulation appropriée au niveau de l’enfant. L’enfant en avance s’ennuie, l’enfant en retard s’ennuie. Il faut donner le goût d’apprendre en lui proposant des stimulations adaptées à ses capacités.
- La punition de la curiosité. Le fameux « tu te tais et tu écoutes ». Le cours magistral permet de tuer dans l’œuf la curiosité. L’information vient du professeur et je n’ai pas besoin de réfléchir car il sait tout mieux que moi.
- La transmission sociale de la connaissance. C’est indirectement lié avec l’hypothèse numéro 2. Le meilleur apprentissage c’est être actif, alors qu’écouter passivement un professeur ne permet pas un engagement actif.
Pour conclure, la bonne démarche pour apprendre est d’une part de trouver un juste milieu en proposant une pédagogie structurée qui encourage la créativité de l’enfant (imagination, réflexion intérieur, discussion) avant de donner les réponses aux exercices. D’autre part, il est aussi utile de valoriser sa curiosité et ses résultats et lui dire également que l’enseignant ne sait pas tout.
Car la métacognition rentre en jeu dans l’apprentissage, le jugement interne et savoir ce qu’on ne sait pas est tout aussi utile et nécessaire dans l’apprentissage. Voici un condensé de pourquoi j’ai appris plusieurs « métier » si rapidement, car je suis porté par la curiosité, mon moteur dans toutes les tâches que j’entreprends !
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