Apprendre au XXIe siècle

Si on me pose la question comment je vois l'avenir de l'école, j'y répondrai en 3 points : - feedback rapide et instantané - gain sur évolution positive - flexibilité

Mes conditions de travail ont fortement évolué ces quelques mois. Je suis responsable pédagogique dans le groupe INSEEC France. Je m’occupe des programmes du pôle Marketing digital et ainsi de l’intégration de 2 classes de Master 1 et 3 classes de Master 2. Un livre comme celui-ci est une douce claque pour moi. J’ai à peine dépassé 30 ans, je suis jeune et frais dans le métier. Pourtant j’ai l’impression de ressentir un moment inhabituellement calme et serein. Ce calme avant la tempête ou comme l’eau qui se retire rapidement et en silence avant le tsunami. Je crois entendre ce bruit sourd qui raisonne au loin, celui d’une tempête de changement !

Alors je me tiens prêt. Bien que je veuille changer le système pédagogique en apportant des légères modifications. Notamment via une pédagogie qui n’intègre pas forcément la droiture : leçons / exercices / appliquer la leçon / corrections. Mais plutôt une manière où les étudiants doivent composer avec le peu qu’ils savent et faire l’effort d’aller chercher plus d’informations. Je me positionne comme un révélateur de connaissance et non plus comme un prof qui fait asseoir son savoir avec autorité.

Le système est rigide par des codes institutionnels et surtout dans mes classes où les étudiants sont avant tout des salariés « dont ils disposent de 14h de formation par semaine ».

Ce livre m’a donnée beaucoup de pistes de réflexion, c’est exactement ce genre de livre qu’il faut relire 3 ou 5 fois. Je suis déjà convaincu qu’après chaque relecture je verrai encore un point de vue différent et une manière différente d’apporter du changement dans le secteur de l’éducation.

Humains, castors, bactéries : même combat

Tout d’abord, quelques mots sur l’auteur : François Taddei. Il est micro-biologiste et prône l’interdisciplinarité. Tout comme son histoire personnelle nous le rappelle cet ancien polytechnique avec des problèmes d’autorité à la création du Centre de Recherche & Interdisciplinarité. Nous avons beaucoup plus à gagner en mettant nos savoirs en commun et en multipliant les profils plutôt que de nous cloisonner entre nos pairs.

Très rapidement dans le livre, l’auteur fait une analogie entre les comportements humains et les bactéries. En effet, les bactéries réagissent de 3 manières différentes quand elles ne sont pas dans un environnement adapté :

  1. migration (il faut changer d’endroit le plus rapidement)
  2. muter (mais cela reste hasardeux, il vaut mieux une petite mutation par descendance que de changer entièrement son ADN)
  3. construction de niche (s’adapter à ce nouvel environnement), en biologie ils nomment « ingénierie systémique ».

Pour appuyer le point 3, l’auteur parle de castor. Ces animaux n’aiment pas les torrents mais quand il n’y a pas de lac… Ils construisent des barrages ! Cela permet de ralentir le débit de l’eau. Le fil rouge de son livre porte sur sa réflexion de comment créer des « écosystèmes d’apprentissages » et ceux dans tous les âges de l’apprentissage.

Ça ne fonctionne pas comme d’habitude !

Quoi de mieux pour apprendre que de se concentrer. La concentration et le raisonnement serait le saint Graal de toute personne intelligente. Pourtant en page 143 j’apprends qu’il en est tout autre ! « Quoi ça ne fonctionne pas comme ça ? » Me dis-je ?

Dans l’ouvrage, l’auteur fait référence aux travaux d’Hugo Mercier et Dan Sperber dans leur « théorie argumentative du raisonnement ». À cause de nos biais, nos décisions sont prises de manière instinctive ! Le raisonnement servirait à justifier nos décisions, notre raisonnement servirait à organiser nos idées et arguments dans l’unique but de convaincre ! En tant qu’animaux sociaux, il est fort utile de comprendre les mécanismes de persuasion (et des biais cognitifs) des autres humains !

Cependant, si le raisonnement n’est utile que pour argumenter, comment apprenons-nous des nouvelles choses ? Par le questionnement ! Toutes les personnes qui se posent des questions, et surtout, celles qui remettent en doute ce qu’elles savent, ont moins de chance de tomber dans les méandres de leurs biais cognitifs.

La curiosité et l’étonnement, exactement ce que je me suis dis « ah tiens ça ne fonctionne pas comme d’habitude » est l’antidote contre les biais les plus tenaces. Le questionnement permet d’ajuster sa vision, de comprendre les différences et enfin d’apprendre des nouvelles données.

Méthode Singapour

En 1975 Singapour avait un PIB inférieur à la Russie. Aujourd’hui, Singapour détient le meilleur score PISA. Cet ensemble d’études réalisées par l’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques, est conçu pour mesurer les performances des systèmes éducatifs au sein des pays, de manière standardisée et à grande échelle. L’enquête est publiée tous les trois ans après avoir été menée auprès de dizaines de milliers adolescents de 15 ans.

Qu’est-ce qui fait leur force ? Une hypothèse avancée serait un lien plus fort entre l’apprentissage d’une théorie (j’apprends une règle) et la pratique (je résous un problème avec cette règle).

Une vision

Sigapour a une vision sur le long terme pour leur éducation. La politique a impulsé une démarche scientifique afin de mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau et ainsi adapté les outils en fonction de l’âge, des difficultés personnelles et tant d’autres paramètres. Le vrai succès vient d’une vision sur le long terme en plaçant la recherche sur les neurosciences et l’éducation.

Comprendre le cerveau pour mieux apprendre

Apprendre c’est utiliser un organe qui est le cerveau (et le cœur). Tout comme il existe des manières plus efficaces de progresser dans un sport, en fonction d’exercices sur telle ou telle partie du corps, il devrait en être de même pour l’effort intellectuel.

Notre temps de concentration est court (mais devient quasi illimité lorsque nous sommes en état de flow), pourquoi diable les étudiants ont des cours d’une durée d’une heure ? Pourquoi ont-ils des vacances d’une durée de deux semaines toutes les 5 semaines ? Seraient-elles liées à la religion et aux rythmes agricoles ? (En suisse les vacances d’octobre se nomment « les vacances patates » et en France en avril on parle même de « vacance de Pâques » ! Est-ce vraiment adapté aux rythmes biologiques ?

Des nouvelles approches pour évaluer les cours

Au Japon, ils ont développé une approche intéressante. Lorsqu’un professeur donne un nouveau cours, des collègues viennent assister au cours aussi. Non pas pour évaluer le prof mais pour observer la réaction des étudiants par rapport au nouveau cours donné ! La Chine utilise le même procédé mais avec des caméras de surveillance.

Personnellement, j’aimerais bien avoir un retour de mes collègues lorsque je donne un cours. Mais j’ai l’impression que cette nouvelle méthode ne soit pas apprécié de tous les professeurs ; par pudeur ou par égo peut-être.

J’y vois beaucoup de positif dans cette méthode, sans doute parce que j’ai fait des conférences publiques et que j’ai l’habitude que l’on me regarde, que l’on me filme, que l’on me pose des questions sur ce que je viens de dire. Enfin, je trouve que cette approche est vraiment intéressante.

Singapour a fait de la recherche dans l’éducation, le Japon aussi directement auprès de leur professeur. Peut-être faudrait-il une recherche et une observation sur les profs pour comprendre ce qui fonctionnent bien et moins bien. Autant sur le contenu du cours mais comment il est expliqué. Au vu de la nouvelle génération avec des nouveaux codes sociaux et une nouvelle vision de l’avenir, il n’est pas inintéressant de se pencher sur la question.

20 minutes de concentration

Comme je m’amuse à dire auprès de mes collègues « les jeunes que nous avons sont assez « faciles » à comprendre. Ce sont ceux qui ont 8 ans aujourd’hui qui nous feront transpirer dans 15 ans ! ».

Une pédagogie de l’instant

Si on me pose la question de comment je vois l’avenir de l’école, j’y répondrai en 3 points.

  1. feedback rapide et instantané
  2. gain sur évolution positive
  3. flexibilité

1) Feeback rapide et instantané

Pourquoi commencer à travailler si nous n’allons pas dans la bonne direction ? Les étudiants ont dû mal à démarrer un projet car ils ne sont pas sûrs d’eux. C’est tout à fait normal de douter de soi. Mais l’élément le plus bloquant est la perte de temps dont l’étudiant ne veut pas subir. En effet il serait considéré comme une perte de temps car si on me l’avait dit plus tôt je me serais concentré dans une meilleure direction. Les étudiants cherche un exhausteur de compétence, nous avons tous des compétences, le prof doit devenir la personne qui donne confiance et les conseils nécessaires pour que l’étudiant réussisse l’exercice.

2) Gain sur l’évolution positive

Ce que j’appelle gain sur l’évolution positive est exactement la même chose qu’un jeu vidéo. Nous progressons de niveau après niveau en gagnant un certains nombres de points. Ces mêmes points permettent d’accéder à des bonus. Il y a une sorte de double récompense à la fois sur le court terme et sur le long terme. La première, à court terme est la réussite des niveaux. La seconde, sur le long terme est la récolte des points.

Je pense que la gamification de la scolarité (dans son ensemble) est primordiale pour la nouvelle génération. À la fois cela leur apportera le pourquoi on me demande d’apprendre et de savoir telle ou telle chose Ou bien de gratifier le comportement par exemple aucun retard durant le trimestre par exemple sont des leviers à court terme. Enfin sur le long terme la rétribution des points pourrait donner des avantages, bourses, réduction, les idées sont à déterminées bien sûr.

3) Flexibilité

Je ne pense pas que 10 ans nous aurons des cours d’une durée de 55 minutes ou 1h30 ni de vacances toutes les 5 semaines. Autant les enfants qu’une fois adulte nous avons des phases d’apprentissages plus ou moins intenses. Notre motivation est toujours temporaire et relativement courte et cela n’empêche pas d’apprendre profondément un sujet. Je pense même que cela peut être un axe de réflexion. Pourquoi ne pas imaginer des modules de 3 mois sur un domaine spécifique où l’étudiant se retrouve en immersion totale dans ce domaine ?

J’ose imaginer que la concentration des futurs adolescents soit plus réduite que la mienne et qu’une heure de cours pourraient être scindée en 3 pauses de 5 minutes. À vrai dire pour écrire ce billet j’utilise la méthode Pomodoro qui me permet de créer une session de concentration de 20 minutes d’affilées sans distraction avec 5 minutes de pause entre les sessions de concentration.

L’auteur parle de diplôme blanc, un diplôme que l’on crée soit-même en choisissant l’intégralité de son cursus. Par exemple, j’aime le marketing digital, j’adore la sociologie et l’étude des comportements humain et je me passionne pour l’intelligence artificielle. Avec ces 3 domaines je pourrais créer un nouveau diplôme dont la consécration serait l’écriture d’un mémoire dont la problématique gravite autour de ces 3 sujets :

Comment l’automatisation et l’apprentissage supervisé permet de mieux comprendre les humains face aux leviers marketing utilisés sur les réseaux sociaux ?

Les vieux sont importants et les parents doivent apprendre à être parent !

Je vais essayer de conclure, si bien que le sujet est tellement profond que je rédigerai un nouveau papier. Quoiqu’il en soit, le chantier de l’éducation ne fait que commencer. Nous apprenons à chaque étape de la vie, je vois des jeunes à longueur de journée et je sais qu’ils représentent notre avenir. Pourtant, je remarque que rien n’est fait pour les retraités alors qu’ils vivent aussi longtemps en retraite que le temps travaillé ! Je n’aimais pas les seniors maintenant je me dis qu’ils doivent être mieux intégrés.

D’un côté, je comprends mieux pourquoi nous avons une sorte de respect envers la culture japonaise pour les seniors, car comme ils ont une population vieillissante depuis plus longtemps. Ainsi, ils ont pris conscience plus rapidement de la nécessité de faire un monde accessible à tous. Une ville accessible pour une personne de 80 ans c’est aussi une ville accessible pour une femme enceinte de 25 ans ou même une personne qui a du mal à marcher.

Et puis, je suis papa, j’ai appris à l’être en discutant en échangeant et surtout en lisant. En variant les points de vue et en essayant de comprendre ce qui me différencie de ma fille et moi. Quand je suis dans un parc, je me dis qu’il est d’intérêt public d’apprendre aux parents à être parent. Non pas que je considère ce statut comme un métier mais que nous devons avoir une connaissance profonde de la psychologie du bébé et de l’enfant. Savoir comment fonctionne un petit cerveau permet d’ouvrir son humilité, augmenter sa patience et prendre plus de plaisir.

Partage ton amour pour cet article
Optimized with PageSpeed Ninja