Avec un revenu de base que va-t-on faire de nos journées ?

Nous entendons de plus en plus parler du Revenu de Base Inconditionnel voire même de salaire à vie. Je ne vais pas rentrer dans les détails, il y a selon moi, suffisamment de sources différentes qui traitent du sujet. En revanche je me demande ce que nous pourrions bien faire de nos journées si nous ne travaillons plus. Je tiens à préciser dès le début de cet article que le fond est philosophique et je prends le risque de te perdre dès le deuxième paragraphe… Au plus téméraire je te souhaite une bonne lecture.

Si nous ne travaillons plus, qu’allons-nous faire ?

Tout d’abord il est nécessaire de partir sur la même définition du mot « travailler ». Étymologiquement, ce mot vient du latin populaire *trepaliare*, qui signifie torturer, et du bas latin *trepalium*, qui signifie instrument de torture. Le ton est déjà donné. Entre autre il signifie :

Le travail donne accès à nos désirs

Nul doute que nous soyons nombreux à souhaiter n’avoir pas à travailler : le travail tend à nous apparaître comme une contrainte sociale déplaisante et pénible. Il faut travailler à l’école, puis il faudra trouver un emploi pour gagner sa vie et prendre ainsi sa place dans la société, au point que la majeure partie de notre vie semble placée sous le signe du travail. Si le travail est une torture, nous pouvons affirmer que nous vivons actuellement l’enfer ! De plus le travail est avant tout une activité impliquant de se soumettre à des règles dont on ne décide pas : il y a un savoir-faire à acquérir, des procédures et des procédés de fabrication à respecter ; en un mot, je ne peux pas faire n’importe quoi, comme bon me semble, si je veux parvenir au résultat escompté. S’adonner à un travail, c’est donc toujours se plier à des exigences qui ne dépendent nullement de notre libre arbitre, mais qui semblent au contraire venir le brider. Pour autant, le travail est-il pour l’homme un obstacle à la liberté ? Car enfin, c’est bien aussi parce que je travaille que je peux me rendre indépendant de la tutelle d’autrui, produire par moi-même ce qui est nécessaire à ma subsistance et à mon bien-être, et ainsi avoir les moyens de mener ma vie comme je l’entends, sans plus dépendre désormais du bon vouloir des autres. En ce sens, si le temps du travail, en tant qu’effort sur soi, n’apparaît pas au premier abord comme un moment de liberté, le résultat du travail semble quant à lui l’instrument de ma libération : certes, au moment où je travaille, je ne fais pas ce que je désire, mais grâce à mon travail (aux objets ou le contenu de cet article, que j’aurai fabriqué contre un salaire (revenu) ou que je pourrai vendre), je me donnerai les moyens d’acquérir ce qui peut m’être utile ou me faire plaisir.
En résumé, le travail signifie contraintes (torture) mais me génère un revenu, et avec celui-ci j’assouvi mes désirs et m’offre donc de la liberté.

Les désirs nous emprisonnent

Encore faudrait-il cependant que la liberté fût bien ce que nous avons jusqu’ici présupposé qu’elle était : pouvoir faire ce qu’on désire, c’est-à-dire finalement ce qui nous plaît, sans obstacles ni limites. Telle est sans doute bien l’entente la plus ordinaire de la liberté ; mais pour commune qu’elle soit, elle demeure fortement contestable : sans doute, travailler est une nécessité sociale (et même, une nécessité vitale) ; sans doute aussi, je ne décide pas des techniques à mettre en œuvre quand je travaille ; mais est-ce que je décide davantage de mes besoins et de mes désirs en général ? Est-il en mon pouvoir de désirer ceci plutôt que cela ? À dire vrai, il s’agit là d’impulsions qui toujours s’imposent et tendent tyranniquement à faire la loi en nous. Mais alors, leur laisser libre cours, loin d’être la marque d’une libre conduite, serait bien plutôt le signe d’une servitude d’autant plus puissante qu’elle n’est pas reconnue comme telle par celui qui la subit.

Il faudrait alors soutenir que c’est bien plutôt dans la résistance de la volonté à l’égard des désirs que la liberté se manifeste vraiment. Le rapport que le travail entretient avec la liberté doit alors nous apparaître sous un jour nouveau : peut-être est-ce précisément parce que le travail est une discipline et un effort de soi sur soi que, loin de faire obstacle à la liberté humaine, il pourrait bien en être au contraire sinon l’accomplissement plénier, du moins le nécessaire chemin. Il est également envisageable de considérer un travail sur soi permettant une ascèse totale afin de ne plus être sous la servitude de ses désirs.

Travail, une nécessité naturelle et sociale

Selon la thèse d’Adam Smith (XVIIIe siècle), le travail est donc une nécessité à la fois naturelle et sociale : ne pas ou ne plus travailler, c’est tout à la fois être menacé dans sa survie et dans son statut de membre de la communauté humaine ; c’est risquer de perdre tout à la fois sa vie et sa liberté, puisque cela revient à remettre la satisfaction de ses besoins vitaux aux bons vouloirs d’autrui. Sans doute faut-il accorder ce point à la position utilitariste : que le travail soit une nécessité, cela ne signifie pas pour autant qu’il constitue un obstacle pour ma liberté ; bien au contraire : il est peut-être le seul moyen humain d’accéder à la liberté.

J’ai pris pour exemple Adam Smith car il est dans le courant de pensée néoclassique, et notre économie tourne toujours dans ce courant.

Conjoncture actuelle

Travailleurs pauvres

Nous sommes deux siècles plus tard que Adam Smith et que se passe-t-il ? Nous voyons l’émergence des « travailleurs pauvres ».  En France ce n’est pas moins de 9 millions de personnes vivants sous le seuil de pauvreté. Je ne connais pas la proportion dans les autres pays mais je doute que la France en soit une exception. Les personnes les plus touchées sont les parents monoparentaux. Majoritairement des femmes avec enfant-s et les personnes avec le moins de qualification professionnelle.

En d’autre temps, les emplois les moins qualifiés étaient les plus demandés notamment dans le secteur primaire et secondaire. Deux siècles plus tard c’est la spécialisation et l’expertise qui sont demandées. Peut-on garder le même discours, sur le fait que le travail rend libre s’il ne suffit pas aux personnes de vivre correctement ?

Existe-t-il des sociétés sans travail ?

De plus en plus de municipalité cherche l’autonomie énergétique et alimentaire (tel cas dans ce village). Nous voyons également l’émergence des monnaies secondaires afin de garantir une stabilité économique dans la région. Face à la désertification des petits commerces, à la délocalisation, au chômage, ou encore à la perte de liens sociaux, la monnaie peut-être un moyen de se réapproprier l’économie et de la rendre plus humaine. En effet, la monnaie locale permet de construire et de préserver l’intégrité d’un territoire et de s’ouvrir aux autres en échangeant ses richesses sans se mettre en danger.

On pourrait jeter la pierre aux entreprises qui ne paient pas suffisamment et délocalisent, favorisant la précarité des travailleurs. En effet la faute peut être en partie sur elles, mais je voudrais soulever ici, les changements qu’opèrent justement ces startups/entreprises. Par exemple, l’apparition du télétravail permettant de limiter les déplacements et donner plus de liberté aux travailleurs.
Objectifs affichés : permettre un meilleur équilibre vie privée / vie pro, réduire l’empreinte écologique de l’entreprise et aussi les mètres carrés de locaux.  Sans parler de ces entreprises qui proposent des postes de travail avec vacances illimitées.

D’autre part, sais-tu que pratiquement un néerlandais sur deux est passé à un travail à temps partiel ? L’économie du pays ne semble pourtant pas s’essouffler et personne ne se plaint de cette nouvelle façon de voir les choses. La durée moyenne de travail hebdomadaire aux Pays-Bas est de 29 heures, contre 36 dans notre pays. De plus en plus de Néerlandais font le choix de consacrer moins de temps à leur travail, et ce, afin de s’occuper un peu plus de leur famille et de leur vie privée en général. Ici, ce peuple nous montre une nouvelle piste de la liberté et du bonheur tant recherché.

Conclusion

Quel exercice difficile de savoir ce que sera fait le monde de demain. Tout comme les artistes futurologues des années 50 imaginaient un monde avec les mêmes perspectives que leur propre époque. Ce qui donne des voitures aux courbes similaires des années 50 avec une voilure car elles seront devenues volantes en l’an 2000. Ce qui est le plus frappant c’est le problème de société qui était discuté à l’époque. Dans l’hypothèse où les robots ménagers venaient à se développer dans le futur, le problème soulevé était la condition de la femme. En effet, elle ne saura pas quoi faire de ses journées car l’automatisation par les robots l’aura dénuée de toute utilité ! La perspective machiste de l’époque restait imprégnée même pour une vision futuriste des choses, ce qui est totalement absurde. Pourtant, les représentations les plus folles comme celles de se voir sur un écran et se parler en même temps sont ce qu’il y a de plus fidèle à ce que nous vivons quotidiennement !

Nous avons vu que la liberté ne transite plus forcément dans le travail (en tout cas pas dans l’emploi), et la durée consacrée pour ça diminue. Nous pouvons prévoir également que les emplois vont disparaître j’en parle ici et puis l’émergence des chatbots ne va pas s’arrêter et grignotera les autres services aussi. Ajoutons également que nous avons l’ubiquité de l’information, nous pouvons se demander le rôle de l’école dans une telle société. Selon une étude 3/4 des enfants nés en 2010 feront un métier qui n’existe pas aujourd’hui, alors comment allons-nous les former ? La future génération n’apprendra pas à l’école et n’ira pas travailler sous la même forme que nous la connaissons.

A l’heure où la génération Y s’épuise (ce sera mon prochain sujet) nous préparons la génération Z qui sera dénouée de toute cette pression que nous subissons à chaque instant. Et si le bonheur est dans le lâcher- prise ? Justement dans le « rien faire », procrastination. Pourquoi tant de jugements à l’encontre d’un sans emploi, d’une belle journée au coin du feu à lire Boule & Bill, à regarder la TV sans la voir, à faire une sieste qui dure toute l’après-midi ? Pourtant la méditation c’est l’art de ne rien faire et ça fait du bien. La méditation ou l’ouverture spirituelle nous amène à l’affranchissement de ses propres besoins, est-ce là, la voie du bonheur sociétale ?

 

 

 

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